Merci aux nombreux contributeurs actifs sur cette rubrique, autant pour les pièces,
les photos que les autorisations.
Jean-Michel a eu la gentillesse de m'envoyer des photos d'une bielle comprenant 2 rotules sur chacune des extrémités. Une des rotules se trouve cachée par la présence du soufflet, mais est bien en place à l'intérieur.
Un grand merci à Jean-Michel pour son autorisation d'utilisation des photos.
Cette pièce (2 exemplaires pour chaque rampe arrière) permet le positionnement précis d'une rampe arrière mobile à l'intérieur de l'entrée d'air.
Il faut savoir que la section des entrées d'air de Concorde est à géométrie variable et s'adapte sur tout le domaine de vol de l'avion.
2 nacelles réacteurs sur Concorde, mais 4 entrées d'air à géométrie variable, totalement indépendantes les unes des autres et pilotées chacune par des calculateurs.
Chaque entrée d'air est totalement indissociable d'un réacteur avec ses 2 rampes + porte de décharge + volet auxiliaires + portes secondaires qui vont avec.
Les flèches rouges sur le schéma suivant montrent le positionnement de la pièce de Jean-Michel, ces bielles actionnent l'une des 4 rampes arrière d'entrée d'air.
A l'intérieur de chaque entrée d'air, on trouve une rampe avant et son homologue arrière afin de permettre un bon fonctionnement du réacteur dédié, situé juste derrière.
Sur Concorde, il y a 4 réacteurs, donc 4 rampes avant, 4 rampes arrière, 8 bielles identiques avant pour actionner toutes les rampes avant et 8 autres bielles arrière pour les rampes arrière.
Une rampe avant est mécaniquement couplée à son homologue arrière, lorsqu'une rampe avant se baisse, celle de derrière fera exactement et systématiquement la même chose, et réciproquement dans l'autre sens.
Expliquons pourquoi la présence des rampes est totalement indispensable sur un supersonique propulsé par des réacteurs conventionnels et non par des moteurs fusée.
Petit préambule, le domaine de fonctionnement d'un réacteur Olympus 593 utilisé sur Concorde est uniquement "subsonique".
La vitesse air en prélèvement du compresseur ne doit en aucun cas dépasser Mach 0.6.
Sauf que Concorde est, comme tout le monde le sait, capable de voler à plus de Mach 2.0, voire même beaucoup plus durant les vols d'essais, ce qu'il a fait.
Un réacteur Concorde accepte bien volontiers de l'air beaucoup plus compressé que la normale (idem avec une température air plus élevée que la normale au niveau de vol rencontré) en entrée compresseur mais rechigne totalement à ingurgiter de l'air plus rapide que Mach 0.6, donc certainement pas de l'air supersonique.
Notre réacteur en entrée veut de l'air subsonique, comme je le disais, car sinon ça devient très vite le bazar sur les différents étages des aubes, avec de l'air qui décroche de partout et plus rien ne sera possiblement contrôlable pour entretenir une chambre de combustion allumée, s'en suivrait immédiatement des pompages et in fine un arrêt du réacteur.
Sur le sujet des ondes de chocs en entrée compresseur en supersonique, idem, un réacteur classique n'en veut surtout pas non plus.
Vous comprenez déjà un peu mieux nos différents problèmes du moment, à résoudre ?
Voilà précisément où interviennent les rampes à l'intérieur des nacelles réacteurs.
En s'abaissant progressivement et au fur et à mesure que Concorde vole de plus en plus vite (*) , l'air parcourant les rampes est alors comprimé tout en étant ralenti (ne dépassera jamais Mach 0.6) et échauffé.
L'air peut alors continuer d'être ingurgité par chaque réacteur qui s'accommode très bien de ce nouvel état.
Entre la rampe avant et son homologue arrière, il existe volontairement un vide (voir légende verte sur le schéma qui suit) permettant aux ondes de chocs (4 rebonds successifs, voir en rouge sur le schéma qui suit) de prendre un cheminement tout autre que l'accès au compresseur du réacteur.
Sans la forme spécifiques des lèvres des entrées d'air et tout le reste derrière allant avec pour envoyer les ondes de chocs ailleurs qu'en entrée réacteur, rien ne serait possible pour espérer passer puis dépasser très largement le mur du son.
Les rampes sont là pour ralentir l'air (tout en le compressant) et l'espacement entre ces 2 rampes a été finement étudié pour permettre de se débarrasser des ondes de chocs.
(*) C'est aussi valable dans l'autre sens lorsque Concorde décélère, passant de Mach2 à une vitesse subsonique, les rampes bougeront alors en sens opposé.
Naturellement le pilotage de la position des 2 rampes (1 avant + 1 arrière) se doit d'être très fin et précis, il est géré automatiquement par 2 calculateurs pour chaque réacteur.
Il existe cependant un mode secours, pour le pilotage manuel des rampes sur Concorde, qui ne s'improvise pas pour déterminer où devront être positionnées les rampes en fonction de la vitesse + autres paramètres du moment.
En cas d'erreur de positionnement des rampes, que ce soit en mode automatique ou manuel, clairement le réacteur et la structure de l'entrée d'air va vite vous le faire savoir...
On peut rendre hommage aux travaux fantastiques des ingénieurs concepteurs et aussi des testeurs, car c'est un sujet crucial sur Concorde et vraiment complexe.
Il faut savoir qu'en 1969, lors du tout premier vol de Concorde, celui-ci aurait bien été incapable d'explorer la totalité de son domaine de vol, contrairement à tous les avions qui sortent des bureaux d'études aujourd'hui.
Ceci pour plusieurs raisons, en1969 le programme était très en retard, la toute première version des réacteurs Olympus 593 supportait mal l'air "réchauffé" en entrée compresseur, mais surtout le prototype disposait dans ses entrées d'air de rampes FIXES, comprendre non encore pilotées...
Je termine avec une toute dernière photo où l'on voit parfaitement bien en situation la pièce de Jean-Michel.
Remerciements au Musée Delta pour la qualité des documents présentés sur leur site.
Cette toute dernière photos met d'ailleurs clairement en évidence qu'en position maximale basse, les guignols sont alors alignés avec les bielles, ce qui constitue un verrouillage naturel et éviterait ainsi aux vérins de travailler en permanence.
Mais à ce stade, plus de pilotage possible des rampes pour espérer aller encore plus vite !
On atteint là, la limite maxi de vitesse possible sur un Concorde, car après les 4 réacteurs vont dire NON et à l'unisson, ce que naturellement nos dévoués pilotes d'essais ont expérimenté.
Pour ceux qui souhaitent approfondir le fonctionnement des rampes sur Concorde comme tout plein d'autres sujets techniques, je ne peux que trop vous conseiller la lecture via le lien suivant : https://museedelta.wixsite.com/musee-delta
Question subsidiaire pour les mordus de technique qui du coup ne comprennent pas forcément alors comment un Mirage III, un IV ou encore un Mirage 2000 font pour voler à Mach2, tout en se passant de rampes en entrée d'air, mais toujours avec un ou plusieurs réacteurs classiques ?
La réponse est simple sur la photo ci-dessus d'un Mirage 2000 : il y a des "souris", sortes de demi-cones, qui avancent ou reculent dans la section des entrées d'air modifiant ainsi les caractéristiques du flux d'air.
Souris ou rampes, elles font la même chose, mais le rendement global sur Concorde est bien meilleur.
Une nouvelle fois un grand merci à Jean-Michel pour l'autorisation d'utilisation de ses photos.