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Portraits aéronautiques

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En 2009, très nombreux étaient ceux qui ont assisté à ce rendez-vous vraiment très réussi des 40 ans de Concorde sur Toulouse-Blagnac.

Personnellement je ne l'aurais manquer pour rien au monde, et j'en garde ces souvenirs.

Philippe Gebarowski, pilote IFR et passionné de Concorde, m'ayant autorisé à mettre en ligne son bel article sur mon site, c'est avec une grande joie que je vous invite à le lire, ou le relire.

L'article original se trouve ici

 

Merci Philippe pour ce beau témoignage écrit en 2009.

François

 

40 ans Concorde

 

"Concorde : il y a 40 ans, le début d'un rêve par Philippe Gebarowski

 

C'était il y a juste 40 ans… Le 2 mars 1969, à 15 heures 40 minutes et 11 secondes, aligné sur la piste de Toulouse-Blagnac, André Turcat donne le top du lâcher des freins à bord du Concorde 001.

 

En place droite, Jacques Guignard égrène les valeurs des vitesses : 90 nœuds, 100 nœuds, 110, 120, 130, 140… André Turcat soulève doucement le nez jusqu'à l'assiette de 10°… 150 nœuds, 160… Pour la première fois, le supersonique franco-britannique s'élance dans le ciel. Côté anglais, Raymond Baxter de la BBC s'exclame : « She flies !!! Concorde flies !!! ». Quelques instants plus tard, à bord du Meteor qui accompagne Concorde, Gilbert Defer s'exclame à la radio « Tu ne peux pas savoir comme il est beau ! »

 

Ce jour-là, à bord de F-WTSS (TSS comme « Transport SuperSonique »), André Turcat, Jacques Guignard, Henri Perrier et Michel Rétif ne font pas que faire voler pour la première fois un nouvel avion. Ce jour-là, ils donnent vie au rêve de deux peuples. Ce jour-là, ils signent l'acte de naissance d'un mythe. Ce jour-là, ils marquent le point de départ d'une histoire d'amour qu'aucun autre avion, aussi beau soit-il, n'aura jamais engendrée.

 

Concorde, avec un « e » imposé par la volonté inflexible du général de Gaulle, c'est un exploit technique toujours inégalé : aller de Paris ou Londres à New York à deux fois la vitesse du son (même les supersoniques militaires actuels sont incapables de traverser l'Atlantique sans ravitaillement en vol). Concorde, c'est une esthétique qui, bien que née des nécessités de l'aérodynamique du vol supersonique, en fait une véritable œuvre d'art. Concorde, c'est un lien exceptionnel avec tous ceux qui l'ont conçu, essayé, exploité, entretenu ou tout simplement admiré.

 

S'il est deux peuples qui, au travers des siècles, ont eu une histoire tumultueuse (pour ne pas dire : qui se sont foutus sur la gueule à maintes reprises) et une relation « d'amour vache », ce sont bien les Français et les Anglais. Et pourtant, le 29 novembre 1962, ces deux peuples se sont unis pour concevoir et construire en commun ce qui allait devenir le plus bel avion du monde. Celui de tous les superlatifs.

 

Et c'était l'époque de toutes les audaces, où l'aviation progressait à pas de géant. Toujours plus haut, toujours plus vite. Entre les Boeing 707 et les Super Constellation, la vitesse était presque multipliée par deux. Entre Concorde et les Boeing 707, la vitesse était plus que multipliée par deux. C'était l'époque où l'aviation fascinait. Et son prolongement naturel, l'astronautique, n'était pas en reste : douze ans seulement entre le premier Spoutnik et le premier homme sur la Lune. C'était l'époque ou l'aviation n'était pas seulement qu'un « business » avec pour seul horizon la « valeur pour l'actionnaire », mais encore une aventure, humaine et technique.

 

C'était l'époque où le Salon du Bourget était une véritable fête, où le public venait admirer avec ferveur « son » Concorde. Car, malgré les vives attaques de quelques-uns, dont le « turlupin » JJSS, c'était un symbole si fort, que même ceux qui ne pourraient jamais s'offrir le billet se l'étaient approprié. Même en pleine campagne d'essais en vol, au Salon du Bourget 1971, le public pouvait visiter le Concorde 001 en le traversant pas les deux issues de secours centrales, et admirer le poste de pilotage depuis l'extérieur, grâce à une passerelle placée à la bonne hauteur, à gauche de l'avion. Malgré mes 11 ans à l'époque, je m'en souviens encore…

 

Ni les annulations en masse des commandes de Concorde, ni les péripéties avec les Américains (qui, eux, n'ont pu mener leur programme supersonique à son terme) n'ont ébranlé cette fidélité des publics français et britanniques. Échec commercial ? Oui. Échec industriel ? Certainement pas. Sans cette prouesse technologique, sans le savoir-faire développé dans le cadre du programme Concorde, Airbus ne serait sans doute pas ce qu'il est aujourd'hui : ce constructeur capable de tenir la dragée haute au géant Boeing.

 

Durant les 27 années de son exploitation commerciale, Concorde n'a jamais cessé de fasciner. Dans les années 80 et 90, on ne faisait plus guère attention au ballet des Boeing et Airbus sur les aéroports, mais même le plus blasé des voyageurs levait toujours la tête lorsque le Bel Oiseau Blanc était là.

 

Un vol en Concorde est une expérience inoubliable (votre serviteur a eu la chance de la vivre). Dès l'embarquement, lorsque vous apercevez celui qui sera désormais « votre » Concorde, nez et visière relevés mettant en valeur sa silhouette racée, vous ressentez qu'il y aura un « avant » et un « après » ce moment-là. Et question sempiternelle : que sent-on au moment du passage du mur du son ? La réponse déroute toujours : rien ! Mais c'est ce « rien » qui est en lui-même extraordinaire : on se rend compte que la « bête » est véritablement taillée pour cela. On est en costume de ville, une coupe de champagne à la main, et on pense à Chuck Yeager, en combinaison de vol avec casque et masque, lui, qui se faisait secouer comme un prunier à bord de son Bell X-1 « Glamorous Glennis »…

 

Le véritable moment de sensations fortes est le décollage, plaqué sur votre siège par la fulgurante accélération générée par ce que les militaires appellent « postcombustion » mais que l'on appelle « réchauffes » dans l'univers Concorde. Un autre souvenir marquant est la couleur du ciel, d'un bleu très profond, le clair étant plus bas… Le corps finit par revenir sur Terre, l'esprit, lui, ne redescend jamais des 60 000 ft. Et dire que pour mes voisins de gauche, il s'agissait… de leur baptême de l'air !

 

Même après l'arrêt de son exploitation, Concorde fascine toujours. Quelques véritables amoureux de cet avion mythique, chacun à leur manière, continuent à entretenir la flamme. Des Anglais qui ont littéralement reconstruit le G-BBDG à Brooklands et qui sont en train de faire revivre le simulateur britannique. Une ancienne technicienne de maintenance Concorde qui non seulement prend soin des deux Concorde du Musée de l'Air du Bourget (F-WTSS et F-BTSD), mais maintient partiellement en vie le Sierra Delta en mettant régulièrement sous tension l'avion, et en réalisant des manœuvres du célèbre nez pour le plus grand plaisir des visiteurs. Une autre bande de « furieux » qui projette de remettre en état le simulateur Air France. Un fan de Concorde qui construit chez lui un cockpit Concorde qui sera fonctionnel…

 

Ce quarantième anniversaire est bien sûr célébré à Toulouse, terre natale du Bel Oiseau : une exposition réalisée par l'Aérothèque, Airbus, la ville de Blagnac et Science Animation est ouverte gratuitement au public à Odyssud Blagnac jusqu'au 4 avril 2009, et le 1er mars, une série de conférences a été organisée par l'association Cap Avenir Concorde dans les locaux de l'aérogare d'affaires de Blagnac.

 

Une première conférence était consacrée aux développements et aux essais, avec les ingénieurs et équipages des vols d'essais, français et britanniques, dont André Turcat, Michel Rétif, Jean Pinet (qui fut le premier à franchir le mur du son avec le 001). Même si les sujets abordés ont été largement développés dans la littérature consacrée à la genèse de Concorde, il est toujours passionnant d'écouter le récit de cette aventure par ceux qui l'ont vécue. D'autant que la plupart sont aujourd'hui octogénaires et qu'il est fort peu probable qu'une telle occasion se représente.

 

Trois autres conférences ont eu lieu : une avec les navigants techniques (pilotes et mécaniciens navigants), une avec les navigants commerciaux, confiant leurs anecdotes sur la phase d'exploitation de Concorde tant au sein d'Air France que de British Airways.

 

Mais il faut signaler cette fois-ci une conférence consacrée à des gens habituellement et injustement oubliés lors de ce type de manifestation : les personnels de la maintenance. Un dicton affirme pourtant que les avions appartiennent aux mécaniciens, qui les prêtent aux pilotes.

 

Ces gens discrets, moins à l'aise dans l'art oratoire que les autres intervenants, ont cependant su, avec des mots simples mais touchants, faire partager leur bonheur d'avoir entretenu cet avion exceptionnel, ce qui en faisait sans doute la plus émouvante de cette série de conférences. Parmi eux, la seule femme technicienne de maintenance qualifiée Concorde. Celle que j'évoquais un peu plus haut ? Mais oui ! Cependant il faut signaler qu'il y a eu en tout cinq femmes à la maintenance Concorde Air France (une électricienne, une « choumac » – en argot aéronautique choumac = chaudronnier – et deux apprenties).

 

Plus tard dans la soirée, j'ai appris par un mécanicien navigant britannique qu'à la maintenance Concorde British Airways, les personnels entrés au début de l'exploitation y sont restés toute leur carrière, et donc on n'y trouvait que des « anciens » et par conséquent pas de jeunes, et pas de femmes. Les cinq femmes de la maintenance Concorde Air France resteront donc uniques dans l'Histoire !

 

Ajoutons que ce mécanicien navigant anglais avait quelques anecdotes cocasses, montrant que sous la réputation de flegme « british » se cachent aussi de joyeux drilles…

 

Un 1er mars toulousain passionnant donc, et qui démontre que malgré ses 40 ans, le mythe Concorde reste vivace… "

 

 

06/01/2017

 

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