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Hommage à Jean CAILLARD

 

Remerciements à la famille Caillard pour ses autorisations et contacts très chaleureux.

Jean Caillard

Retour d'un vol d'essai sur Transall

Crédit photo : Famille Caillard

Jean Caillard nous a quittés au mois de mars 2019.

 

Né le 13 avril 1923, Jean Caillard intègre l'École Centrale de Paris en 1947, en 1948 il est embauché à la SNCASO puis devient Ingénieur navigant au sein du CEV de Brétigny-sur-Orge.

C'est là, entre autres, qu'il participera aux campagnes d'essais des prototypes de René Leduc équipés de moteur statoréacteur.

 

En 1957, à l'Aérospatiale, il deviendra pilote d'essai, à une époque où presque tout ce qui volait passait entre les mains des pilotes d'essai.

 

De 1982 à 1991, il travaillera pour le compte de Reims Aviation.

Son passé dans la Résistance et sa soif de liberté vont de pair avec sa grande modestie sur tout son actif et sa discrétion naturelle.

 

Jean Caillard

Retour d'un vol d'essai sur Vautour / Crédit photo : Famille Caillard

 

J'ai eu l'occasion de constater sur quelques sujets historiques qu'il corrigeait systématiquement les imprécisions ou erreurs de journalistes ayant mal vérifié leurs sources.

Le nom de Jean Caillard est bien souvent associé aux études sur les avions « absorbeurs de rafales » (Hirsch H-100, Gardan GH-80 ou TBH-20 Colibri).

 

Ci-dessous une photo personnelle du Hirsch H-100, prototype remis au Musée de l'Air par la voie des airs avec René Hirsch présent à bord également, dispositifs absorbeurs de rafales opérationnels.

 

Jean Caillard

 

Nous lui devons aussi les essais du biréacteur SN-600 Corvette, les essais du C-160 Transall, ou encore les premiers vols du biplace MC-100 conçu par Michel Colomban, pour ne citer que ces quelques aéronefs sur la très longue liste de ceux qui seront passés entre ses mains.

 

Il fut membre de la prestigieuse Académie de l'Air et de l'Espace, créée par André Turcat.

 

Jean Caillard

SN-600 Corvette

 

Jean Caillard

Pli commémoratif

 

Lorsque j'ai contacté Jean Caillard la toute première fois, après avoir étudié de près son CV, je dois vous avouer que j'étais plutôt intimidé car très admiratif sur la totalité de son parcours.

Je caressais déjà l'idée de pouvoir lui poser un grand nombre de questions, faisant appel à sa mémoire, des questions aéronautiques et historiques dont certainement lui seul aurait les réponses, parce que directement concerné ou parce qu'avec son âge sage et toutes ses expériences, forcément il avait côtoyé tous les types d'avions et connu une évolution technique très importante.

 

Sur ce qui allait faire appel à sa mémoire, je me rappelle très bien, et comme si c'était hier, de ce qu'il m'avait répondu au téléphone : « Vous savez, l'ordinateur tourne probablement un peu moins vite qu'avant, mais le disque dur est toujours bien là ! »

Le premier contact, mettant de suite à l'aise, était établi, il ne s'est jamais rompu.

Prenant soin de peaufiner ma longue liste de questions faisant suite à l'un de ses courriers aussi, je fis donc connaissance avec Jean Caillard sur l'aérodrome de La Baule, où nous nous étions donnés rendez-vous.

J'avais sous le bras quelques livres aéronautiques sérieux, histoire de ne rien oublier et comme supports pour les discussions à venir.

Lui aussi n'était pas venu les mains vides ! Le contact fut très chaleureux, mes livres lui firent scintiller les yeux, je découvris un homme passionnant et passionné par son métier, un homme très attachant qui aimait le travail bien fait, et qui savait fort bien partager ses connaissances et ses expériences, infinies, parfaitement bien classées dans « son disque dur », réellement en super forme.

Si bien qu'au lieu d'avoir des choses à me raconter sur plus de 200 machines pilotées (11.800 heures de vol quand même), Jean Caillard me parla de la quasi-totalité des avions que contenaient mes livres, documentations sérieuses je le rappelle, avec des aéronefs dedans parfois peu connus du grand public, avec à chaque fois son point de vue technique, tous les hommes qui allaient avec et le contexte de l'époque.

Ses développements étaient ponctués de :

« J'ai volé à bord de celui-ci, au sujet de sa stabilité on peut dire que… »

« J'ai bien connu untel… »

« J'ai piloté celui-ci… »

« Celui-là aussi… »

« Un regret quand même de ne pas avoir piloté celui-ci, mais j'étais occupé sur les essais de celui-ci… » Forcément, j'étais comblé et d'autres rencontres furent programmées.

Pour avoir volontairement laissé traîner mon oreille, attentive, lorsqu'il s'adressait à un pilote d'essai d'Airbus A400M, à un pilote de Morane 317, ou encore à un futur pilote de Blériot XI ou à son mécanicien, Jean Caillard faisait preuve d'une adaptabilité instantanée envers son auditoire, à laquelle il faut ajouter une grande gentillesse et disponibilité.

Son argumentation était très riche avec un sens inné pour la clarté des propos, et chose qui ne gâche rien, il avait aussi beaucoup d'humour.

Je ne vous cache pas que ce fut un grand privilège qu'il me consacre de son temps, moi le « pilotaillon » passionné d'aviation.

L'écouter était franchement jubilatoire, et tellement instructif.

 

Voici quelques autres anecdotes qui me viennent à l'esprit.

Jean Caillard a eu l'occasion de voler avec Rozanoff à bord d'un prototype.

Rozanoff pilotait l'avion, lui étant assis à l'arrière de l'aéronef en qualité d'ingénieur d'essai.

Bien en dessous de la VNE (Vitesse à ne pas dépasser) l'avion, subitement, commença à vibrer fortement, avec des gouvernes de vol qui passaient en mode flutter.

Les vibrations s'intensifiant et la désintégration de l'aéronef étant toute proche, Jean Caillard qui n'avait pas le visuel sur le pilote devant, hurla dans l'interphone : « On passe en flutter à l'arrière ! »

Ce à quoi Rozanoff ne répondit rien, puisqu'assis à quelques mètres de lui dans le même aéronef avait bien ressenti exactement la même chose, et mit fin immédiatement à l'essai par réduction des gaz, tout en tenant fermement le manche.

De retour au sol, un seul regard entre les deux hommes vint ponctuer ce moment fort qu'ils venaient de vivre ensemble, et ils partirent directement dans la rédaction du compte rendu en vue de la recherche des causes et des modifications à apporter.

 

C'est aussi à bord d'un Languedoc SE-161, que Jean Caillard vécu les péripéties d'un statoréacteur Leduc porté qui ne se détacha pas correctement au largage, par chance l'aventure se termina bien pour tout le monde.

 

Les protos

Quadrimoteur Languedoc SE-161 portant l'un des prototypes Statoréacteurs LEDUC.

 

Jean Caillard m'a donné et longuement commenté cette photo d'un Trinidad TBH-20 modifié, proto absorbeur de turbulences, successeur des prototypes précédents du même genre. (Hirsch H-100 ou Gardan GY-80).

 

Jean Caillard

Crédit photo : Famille Caillard

 

Au cours des nombreuses sorties dans la turbulence, lui dans ce proto, il admet bien volontiers que ce fut bien souvent un calvaire pour l'équipage de l'avion suiveur, totalement dépourvu de dispositif absorbeur, mais dont la présence était obligatoire pour valider toutes les mesures, par comparaisons justement.

Ce fut aussi un calvaire à bord des prototypes, tant que les dispositifs absorbeurs n'étaient pas totalement au point et parfaitement en phase avec ce qu'ils étaient supposés contrer… Séquences d'essorages assurées.

Jean Caillard me disait que les jours de très beau temps, il passait parfois, et volontairement dans le coton blanc des cheminées des centrales nucléaires, à la recherche des grosses « secoueuses » totalement immanquables pour le coup.

Cette anecdote remonte, c'était certainement en toute légalité à l'époque, mais surtout, de la bouche de Jean Caillard, qui en a vécu d'autres bien belles, je suis totalement certain qu'il l'a fait.

 

Il pouvait parler des heures des essais du Transall et de sa méthode pour le poser ou décoller très court. Pouvait parler des subtilités d'un « point fixe » d'un monstre flottant tel qu'était le Latécoère 631, dès lors que les moteurs étaient en route, et oui il a bien connu cet avion aussi.

 

Jean Caillard

 

M'a développé en direct devant l'avion les vacheries possibles du Blériot XI, avec son plan de profondeur porteur, les réglages des haubans, le rouge vif visible depuis les lumières des cylindres du moteur quand celui-ci fonctionne, le réglage fin pour la lubrification à huile perdue, la forme particulière de son hélice, etc…

 

Photo personnelle prise sur l’aérodrome de La Baule, Jean Caillard observant et écoutant attentivement le moteur du Blériot XI.

 

Jean Caillard

 

Toujours au sujet de cet avion, pour lequel il avait une tendresse particulière après avoir piloté un aussi grand nombre de machines bien plus complexes, il me disait :

« Quand vous volez sur cet avion, mieux vaut éviter de regarder en arrière… »

Forcément, je lui ai demandé : « Pourquoi ? »

Ce à quoi il me répondit : « Le stabilisateur arrière ainsi que la gouverne de direction reposent sur un treillis de bois d'une longueur conséquente rigidifié par des câbles, ce qui rend le tout plutôt élastique et contribue aussi à l'imprécision des gouvernes de vol. Déjà durant les essais moteur on voit tout l'arrière se tortiller, mais une fois en vol c'est pire et pas franchement rassurant, car on se demande réellement si on ne va pas perdre des bouts. On regarde donc devant. »

 

N'a jamais volé sur Concorde mais a fait des accélérations/arrêts avec de nouveaux modèles de freins montés dessus. Fait aussi partie des rares personnes ayant piloté un Potez 75-01.

Et jetez un œil ci-dessous, histoire de voir à quoi ressemble l'engin !

 

Jean Caillard

 

Je conseille à toutes et à tous de lire quelques-uns de ses comptes rendus d'essais en vol, c'est passionnant, précis et parfaitement clair.

Un simple courrier de sa part était à son image, d'une grande précision, sans la moindre bavure, parfaitement clair et très riche, voyez plutôt.

 

Jean Caillard


Pour ceux intéressés par de très bons compléments de lecture, je vous suggère le magazine « Info-Pilote » N°524 de Novembre 1999, il y a un excellent article de François BESSE sur l’unique TBH-20 Colibri piloté par Jean Caillard.
Et tout aussi bien mais encore plus ancien, le magazine « Pilote Privé » N°64 d’avril 1979, traitant du Hirsch H-100, article d’Alain-Yves BERGER.

 

Cher Jean Caillard, je garde à jamais une infinie tendresse et admiration pour vous, ainsi qu'une grande reconnaissance pour toutes les choses apprises à vos côtés.

Vous rencontrer fut un cadeau du ciel, merci pour tout.

Un grand merci renouvelé à votre famille également.

François

 

02/02/2020

 

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