Par Maurice Larrayadieu
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Le Mirage IV N°4 du CEV
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La seule différence résidait dans le « seuil de liberté » accordé aux servocommandes de puissance en regard de la position mécaniquement commandée par les préservos : ce seuil était notoirement plus élevé sur Concorde que sur Mirage IV (dans un rapport de 1 à 6 environ) augmentant d’autant l’autorité des « aides au pilotage ». On a pu soupçonner l’existence d’une filiation, un avion servant de modèle à l’autre, par le fait qu’au moins un Mirage IV (le 04), du CEV (Centre d’Essais en Vol) a été mis à la disposition des équipes du TSS Concorde pour une période significative. |
Dans les personnels touchant de près ou de loin au programme, on trouvait :
- Au sommet, l’Ingénieur Général de l’Armement Forestier, ingénieur de marque pour le STAE (Service Technique de l’Aéronautique), au titre du Mirage IV, et du Concorde.
- André Cavin, Ingénieur Navigant d’Essais, et ingénieur de marque Mirage IV, et du Concorde, au titre du CEV.- Gilbert Defer, Pilote d’Essais CEV, qui glissera naturellement vers l’Aérospatiale, dans l’équipe TSS Concorde, avec André Turcat et Jean Franchi. |
Gilbert Defer Maurice Larrayadieu |
On vit alors le spectacle curieux du Mirage IV effectuant des décollages à puissance réduite : 7.500 t/m, juste au dessus des vannes de décharge ! Grincements chez Dassault qui n’avait pas ouvert ce genre de domaine de vol ... Bien sûr, l’avion fut équipé d’un variomètre à énergie totale, afin de contrôler l’accélération et d’anticiper sur les possibles dérives de la « manip ». |
Sur le plan des commandes de vol, et pour avoir volé sur les deux avions, j’ai observé que le Concorde, sans ses aides au pilotage (en mécanique donc) est extrêmement pointu et désagréable, alors que le Mirage IV « plongeurs » enlevés est somme toute paisible, un ravitaillement en vol est encore possible. Tout cela est normal. Le Mirage IV doit pouvoir exécuter sa mission en condition techniquement dégradée et il est, de ce point de vue, extrêmement réussi et sûr. Le Concorde, avion civil de transport, doit rester un avion sans problèmes de pilotage, et est, en conséquence, équipé avec une grande redondance d’aides et de protections diverses et efficaces ; la sécurité n’a pas de prix, et doit être démontrée au cours de la certification de l’avion. |
De gauche à droite : Maurice Larrayadieu, le Général Capillon, Jean Franchi avant le « baptême » du général |
Notons aussi que la grande qualité de l'architecture des commandes de vol du Concorde a permis d'implanter, sur l'un des prototypes, et pour un temps réduit d'études (une quinzaine d'heures de vol) une configuration mini-manche (en place gauche) et calculateur de vol, ce qui permit à cet avion de précéder l'A320, 1er « fly by wire » (préférer « fly through computers » plus exact), et surtout d'ouvrir des domaines enchantés aux ingénieurs de l'Aérospatiale. En effet, les résultats obtenus dans les phases de décollage, d'approche et d'atterrissage sur le TSS ainsi équipé furent extrêmement flatteurs pour leurs concepteurs. On notera d'ailleurs pour la petite et la grande histoire, que le « mini-manche » défini pour cette étude, qui date de 1977, a été retenu tel que défini à l'époque, pour équiper tous les Airbus, du 320 au 380 ! Et que le principe de la loi de tangage (dite C*) date aussi de cette préhistoire ! |
Au cours d’un de ces passages bas et vers 500 kt, le pilote voulut augmenter rapidement sa vitesse et afficha dans la foulée plein gaz « sec » et pleine PC : le bruit de canon perçu et la décélération franche résultant de la manœuvre l’amena à identifier une double extinction moteur, annoncée aux observateurs en salle d’écoute. Le pilote manœuvra alors de son mieux pour éviter les zones habitées et l’équipage s’éjecta à la limite basse du domaine. 21 secondes s’écoulèrent entre l’annonce de l’extinction et l’éjection. |
Annexe. Les vitesses de Concorde.MMO : Mach Maximum Opérationnel (ou Mach de croisière maxi permis). Il est fixé à 2.04 et le Mach normal de croisière est fixé à 2.00, seul moment du vol où le Mach indiqué quitte le Mach maxi.
VMO : Vitesse Maximum Opérationnelle (ou Vitesse indiquée maxi permise). Elle est, pour les pilotes, présente, « jusqu’à l’obsession… », du décollage jusqu’au haut supersonique. Son suivi rigoureux, à quelques nœuds près, à l’aide de certains modes sophistiqués du Pilote Automatique (Max Climb/Max Cruise) commande le meilleur rapport consommation/performance, et donc la sécurité à l’arrivée. |
25/04/2018